Par Eloïse Speleers, juillet 2025
Installé à Nelson avec sa famille depuis octobre 2024, Mathieu Zeziola incarne le parcours d’un expatrié français pour qui les frontières ne sont pas des limites, mais des tremplins. Son accent trahit ses racines, et son regard est résolument tourné vers l’avenir. Entre travail à distance, éducation à domicile et engagement francophone, il trace un chemin singulier dans les Kootenays.
Rêves et réalités
Né en région parisienne, Mathieu a beaucoup déménagé à travers la France, passant de Paris à Bordeaux, puis Toulouse. « J’ai pas mal bourlingué », confie-t-il avec humour. Ce goût du mouvement se transforme en projet de vie le jour où, avec son épouse, ils prennent une décision radicale : quitter l’Europe avec des jumeaux de deux ans et demi. Direction la Nouvelle-Zélande, puis le Canada, où l’informaticien a pu profiter d’opportunités professionnelles qui lui ont permis de choisir son lieu de vie.
À 18 ans, Mathieu voulait devenir entraîneur de basket. Il imaginait ses stratégies sur papier, rêvant de parquets et d’équipes. Mais la vie l’a mené ailleurs : 25 ans dans l’informatique, un domaine dans lequel il aime « organiser, communiquer, aider » plus que coder. « Ce que j’aime, c’est parler aux gens. »
C’est à Nelson qu’il pose ses valises, conquis dès la première visite. Ils traversent la rue Baker en voiture et ressentent un déclic immédiat. « On n’était même pas sortis de la voiture, et on s’est regardés : c’est trop bien ici. »
Aujourd’hui, il habite à Blewett, avec sa conjointe et leurs quatre enfants. Un terrain d’un acre et demi, une serre, quarante arbres fruitiers. « Il y a toujours quelque chose à faire, mais on aime ça. »
La diversité et l’ouverture d’esprit canadienne ressenties pendant huit années à Vancouver s’accompagnent désormais, à Nelson, d’un véritable sentiment de communauté. « À Vancouver, on peut vivre cinq ans sans connaître le nom de ses voisins. » À Nelson, c’est tout l’inverse. « Ici, les bulles se touchent. Tu connais tes voisins, les enfants jouent ensemble. Tu croises quelqu’un dans la rue, il te salue. »
Équilibre linguistique
Très attaché au sentiment de communauté, Mathieu s’investit dès son arrivée auprès de l’Association des francophones des Kootenays Ouest. « Je ne peux pas monter les tentes avec les enfants sous les bras, mais je peux contribuer comme je peux », dit-il. Il offre ainsi son temps, ses idées et ses compétences entrepreneuriales au conseil d’administration de l’Association depuis début 2025.
Ce désir de s’impliquer localement répond à une volonté de construire une vie enracinée, mais ouverte. La famille a choisi l’école à domicile — un mode de vie en accord avec leurs valeurs d’autonomie, mais aussi de transmission. « On veut les voir grandir, les accompagner. On veut leur donner l’opportunité de grandir dans la personnalité qu’ils choisissent. »
Parler français à la maison, c’est naturel. Mais à l’extérieur, la famille s’efforce d’alterner. «Au parc, on essaie de parler anglais. Sinon, sans le vouloir, on crée une barrière autour de nos enfants. » Conscient de ces dynamiques, le couple adapte son langage selon le contexte.
« On veut qu’ils soient à l’aise dans les deux langues. L’école à la maison aide à garder le français vivant. Même si on ne rentrera jamais vivre en France, je veux qu’ils connaissent leur héritage. »
Mathieu le dit avec fierté : « Les gens savent que je suis français, même sans que je parle. » Et si ses enfants deviennent plus canadiens que français, il espère qu’ils garderont la langue – et avec elle, une partie de leurs racines. « On ne leur impose rien. On leur donne une chance. »
Un héritage vivant, façonné à la fois par les montagnes des Kootenays et les souvenirs d’une autre rive de l’Atlantique.
